Steve Ohana polytechnicien et co-dirigeant de Riskelia, société visant à assurer une certaine prévision du risque, a conçu avec plusieurs de ses partenaires, un logiciel et un outil permettant, entre autres de définir les bulles et d’alerter les sociétés dans le cas où cette dérnière surviendrait dans leur secteur.Mais définissons brièvement cer qu’est une bulle. Une bulle financière, c’est lorsque les prix s’écartent de la valorisation économique habituelle suite à la croyance, aux éspérances et la spéculation des acheteurs. Les fractals comme bien d’autres outils permettent entre autres, de détecter ces bulles.
– Nirare: Bonjour Mr Ohana, alors pour commencer, avez vous recours à la géométrie et à la notion de fractale au quotidien ?
Steve Ohana: Ce que nous faisons au quotidien, pour détecter les comportements moutonniers, reste philosophiquement très proche des fractales mais nous n’utilisons pas la géométrie fractale en tant que telle, c’est à dire celle de Mandelbrot. Nous essayons d’observer et de détecter des phénomenes de régularité trop importants qui se développent dans un cours boursier. Il peut s’agir du pétrole par exemple ou d’une action quelquonque ou encore une obligation, bref de n’importe quel actif financier.
– Nirare: Donc en gros, si ça ne varie pas assez c’est pas bon.
S.O : Si ce n’est pas assez irrégulier, effectivement. Si le cours évolue de manière trop constante, que ce soit vers le haut ou vers le bas, c’est le syndrome d’une anomalie d’un comportement trop moutonnier et donc instable. C’est ce qu’on appel une bulle. Et c’est là qu’interviennent les fractales. En effet dans un tel cas, la dimension fractale ou le coefficient de hurst, est-ce que tu vois ce qu’est le coefficient de Hurst ?
Nirare: Plus ou moins…
S.O: En fait, c’est un outil qui donne une idée du désordre dans un objet fractale, par exemple, mais pas seulement. En réalité c’est très lié à la dimension fractale. Un coefficient de Hurst égale à 0,5 équivaut à un mouvement Brownien [En finance, mouvement aléatoire où chaque point ne dépend pas du point qui précède. Décrit pour la première fois par le botaniste Robert Brown, il est d’abord et avant tout défnit et observé au niveau des particules mais a ensuite été repris et est aujourd’hui très utilisé dans le monde financier.]. Lorsque le coefficient de Hurst est supérieur à 0,5, on assiste à un phénomène d’auto-amplification des évènement, c’est à dire qu’un évènement positif va entrainer une probabilité plus grande d’observer un évènement positif dans l’avenir, de même un évènement négatif crée une probabilité supérieur d’observer un évènement négatif plus tard. En revanche, si le coefficient de Hurst est inférieur à 0,5, ce sera le contraire, c’est à dire qu’un évènement positif sera suivi d’un évènement contraire- évènement négatif.
Nirare:Mais comment est-ce possible ? Comment un évènement peut engeandrer son opposé ?
S.O: C’est de la rétroaction. C’est à dire qu’il y a des systèmes qui s’auto-régulent. Ces phénomènes sont très fréquents dans le corp humain notamment. Si par exemple, la température du corp qui aumente, on assistera à un phénomène de retour qui ramenenera la température à la normale [ on pourrait aussi donner l’exemple du systeme de régulation de la glycémie, avec l’insuline et le glucagon].
Nirare: Alors finalement comment surviennent ces phénomènes d’amplification ?
S.O: En économie, ce sont des facteurs collectifs, humains, psychologiques qui vont faire en sorte qu’une rumeur ou une nouvelle négative vont s’auto-amplifier. Les phénomènes d’auto-régulation quant à eux arrivent beaucoup plus rarement. On en observe tout de meme dans le marcgé des biens qui ne fonctionnent pas comme le marché financier. Je m’explique: Dans les marchés des des biens, une augmentation de la demande va engeandrer une augmentation conséquente des prix et donc une croissance de l’offre pour le produit concerné, sa production devenant interressante et plus lucratif. Ainsi, L’augmentaion de l’offre et la diminution de la demande va faire revenir le produit à son prix initial, il existe donc bel et bien un phénomène de rétroaction négatif et donc d’auto régulation. Pour un actif financier en revanche, l’augmentation du prix d’un actif va entrainer l’augmentation de la demande pour cet actif puisqu’on a tendance à extrapoler dans le futur le comportement passé, c’est à dire que l’on espere que l’actif en question continuera à augmenter. Et donc, s’il y a encore plus de demande pour cet actif le prix va continuer à augmenter. Et s’il augmente encore plus, la demande augmentera encore elle aussi etc… etc…On arrive alors directement à la bulle et Le phénomène d’auto-amplification devient alors évident.
Nirare: Et où-est ce que les fractales interviennent dans tout ça ?
S.O: Certains outils et travaux que Mandelbrot a conçu et effectué tel que la dimension fractale permettent de définir et de savoir si l’on assiste bel et bien à une bulle, outils et travaux qui s’apparentent à ceux de Hurst effectué auparavent, qui en modelisant le cru du nil a démontré avec le coefficient dont on a parlé precedemment que chacun d’entre eux dépendaient de ceux qui le précédait , du fait que si le cru fut particulierement important alors ceux qui le suivront le seront encore plus, ce qui crée des phénomènes extremes à la fin. Hurst fut donc le premier à établir ces principes et à modéliser ces événements, Mandelbrot est venu par la suite. Dans le cours boursier, nous pouvons aussi caractériser ces choses là, c’est à dire des phénomènes d’auto-amplification ou au contraire des phénomènes d’auto-correction. En pratique on observe tout de meme beaucoup plus de phénomènes d’auto-amplification, avec un coefficient de Hurst supérieur à 0,5, que des phénomènes d’auto-correction. Et tout ça est très liée à la dimension fractale. Lorsque que le coefficient de Hurst est supérieur à 0,5 et qu’on assiste donc à un phénomène d’auto-amplification, l’irrégularité va disparaitre. Donc si tu reviens à ce que disait Mandelbrot sur les fractales, le désordre de la figure, ici le cours de bourse, va progressivement s’amenuir et s’ordonner, et sera presque rectiligne. La dimension fractale s’approchera alors très fortement de 1.
Nirare : Et c’est là où on se rend compte qu’il y a un probleme…
S.O: Exactement.
Nirare : Et qu’est ce qu’a émit Mandelbrot comme idée sur toutes ces notions ?
S.O: Mandelbrot s’est limité à un travail descriptif et non normatif. C’est à dire qu’il a expliqué comment les marchés sont et non pas comme ils devraient être. Il a ainsi expliqué que les marchés ne sont pas efficient [voire article fractales, bulles et marchés], qu’ils ne suivent pas un mouvement brownien, et que ce ne sont pas des modèles où il y ades surprises indépendantes chaque jour, mais les marchés financiers peuvent bel et bien contenir et observer en leur sein des phénomènes moutonniers qui entrainent très souvent des bulles. Des bulles qu’il faut crever dès que possible par une intervention exterieur, par exemple en restreignant les crédits ( par exemple dans le marché immobilier, les gens sont obligés d’emprunter pour pouvoir aquérir un bien. Si les crédits sont limités, alors forcément la demande est limité et la bulle est normalement crevé. )
Nirare: Donc finalement, Concretement, comment peut-on utiliser les fractales en finance ?
S.O: Finalement, comme le coefficient de Hurst, les fractales permettent de définir et d’affirmer si nous sommes témoins d’une bulle. Ainsi, comme je l’ai déjà évoqué, si le coefficient de Hurst est supérieur à 0,5, la dimension fractale elle sera environ égale à 1 et le cours aura sensiblement, et parfois même totalement, une forme lisse, droite. Il faut tout de même préciser que si dans un tel cas la dimension fractale avironne les 1, dimension propre aux forme lisse, cette même dimension ne pourra en général, pas dépasser les 2. Nous parlons en effet, d’un cours de bourse, et de ce fait nous sommes dans un espace définit et limité. Quoiqu’il en soit si la dimension fractale est proche de 2, cela reste un signe très positif, car cela implique un irrégularité très forte. Et c’est là peut être tout le paradoxe, irrégularité implique stabilité alors que régularité implique instabilité.
Nirare: Mais, comment cela est-ce possible, je veux dire, comment est-ce que cela se traduit dans la réalité ?
S.O: En fait, lorsque le cours est irrégulier, cela implique que les gens réagissent de manière rationnelle à l’information, si cette dernière et positive ils réagiront de manière positive et si elle est négative, ils réagiront de manière négative, mais toujours avec une certaine modération. En revanche, un cours de bourse trop régulier implique un comportement irrationnelles des investisseurs puisqu’ils ne se basent seulement sur le passé et que la raison pour laquelle ils achètent réside dans le fait que, précédemment ce cours a connu une certaine hausse, ils veulent en réalité faire une plus value à cours terme. Dans ce dernier cas, l’instabilité sera très forte puisqu’il suffit qu’il y est une mauvaise nouvelle pour que tous se renverse, et que la spirale positive devienne négaive.
Nirare: Alors les fractales se limitent-ils à une analyse et une caractérisation des marchés ?
S.O: Pour l’instant oui, mais peut être que plus tard ils pourront mené à une régulation des marchés. Si le régulateur s’aperçoit que c’est trop régulier, cela pourrait déclencher une régulation automatique, par exemple restreindre le crédit- les gens ne pouvant plus emprunter ne pourraient plus acheter- ce qui ferait tout de suite dégonfler la bulle. Et nous justement, nous ne nous adressons pas seulement aux entreprises mais aussi aux régulateurs eux même. En tout cas on pourrait penser à utiliser les dimensions fractales pour déclencher des interventions. Pour l’instant, je vois des déclarations du régulateur Britannique qui pourrait aller dans ce sens là. Il ne parle pas de fractal mais il utilise plusieurs outils qui lui permettent d’être alerter en cas d’anomalie, en cas de bulle.
Nirare: On sait que les fractales constituent une notion assez récente, quand est ce que vous, personnellement, vous en avez entendu parler la prmière fois ?
S.O: En fait, mon frère, Jean Jaques- aujourd’hui mon associé- utilisait dans ses stratégies de trading [ stratégie visant à acheter et à vendre les actions au moment le plus opportun, en limitant les pertes tout en augmentant le gains], utilisait des outils qui s’apparentait fortement aux fractals, et a pour y parvenir, consulté plusieurs ouvrages de Mandelbrot. Ces outils et cette stratégie asez originale lui permettait ainsi de limitait les pertes causées par les bulles et de s’écarter de ces dernières.
Nirare: Donc vous, dans votre société, vous alertez les entreprises quant au problème des bulles, si j’ai bien compris ?
S.O: Tout à fait.
Nirare: Mais comment ?
S.O: Nous avons conçu un model qui tourne sans arrêt. Un peu comme s’il estimait la dimension fractale du cours chaque semaine. Et ensuite, on envoie une lettre à nos clients les tenants au courant de l’évolution des marchés, et s’il y en a, des bulles.
Nirare: En quoi les fractales sont elles révolutionnaires dans la finance, en quoi vont elles à l’encontre des systèmes établient jusqu’alors ?
S.O: C’est toute la division entre les gens qui estiment que les marchés sont efficients et ceux qui pensent qu’ils ne le sont pas [voire article fractales bulles et marchés]. Dire que les marchés sont efficients exclu toute possibilité d’utilisation des fractales. Aujourdh’ui, nombre de personnes pensent encore que les marchés sont efficients mais les divers crises, anomalies et cracks remettent cette avis en question. Riskelia en tout cas est persuadée et est basée sur le fait que les marchés sont non-efficients, puisque dans les marchés efficients, les bulles à proprement parler n’existent pas. Dans l’idée d’une bulle le crack est prévisible c’est à dire que le prix est bien trop élevé par rapport à ce que ça vaut fondamentalement,
Nirare: Donc, vous me dites si je me trompe…
S.O: Il faut me tutoyer, ça va me vieillir sinon… (sourire)
Nirare: (rire) très bien, donc tu me dis si je me trompe, dans le contexte d’une bulle dès que l’acheteur se rend compte qu’il y a une baisse, aussi petite soit elle, il sera tout de suite tenté de vendre alors que si nous ne sommes pas dans une bulle, l’acheteur sait que l’entreprise elle même va forcément obtenir des bénéfices conséquent, c’est d’ailleurs pour ça qu’il a acheté les actions, et il ne sera pas tellement perturber par une décroissance.
S.O: Effectivement, dans le contexte d’une bulle, l’instabilité est très forte, tout le monde sait qu’il s’agit d’un chateau d’argile et à la moindre mauvaise nouvelle tout le monde se dit que c’est la fin du jeu et vend tout de suite.
Nirare: Vous, pardon tu, as dis que les fractals pourraient éventuellement être utilisé, mais plus tard. Est-ce que aujourd’hui elles ont déjà eu un certain impact sur le monde financier ?
S.O: Non pas réellement. Les fractales restent très marginales. Peut être quelques personnes individuellement, dans leur coin mais ça s’arrête là.
Nirare: Et des personnes comme Taleb, auteur du cygne du noir qui reprend souvent l’idée de fractales ?
S.O : Même Taleb,pour gérer son argent ou un fond quelquonque je ne pense âs qu’il utilise des fractales. Nous, personnellement oui, ça nous arrive de les utiliser. Mon frère, comme je l’ai évoqué plus haut l’a déjà fait. Mais il reste tout de même des models, des théories opperationnelles qui s’approchent de la pensée fractale, mais cela reste une minorité.
Nirare: A quelle fréquence observe-t-on des bulles ?
S.O: Chez Riskelia on estime qu’aujourd’hui, elles sont de plus en plus fréquentes. En fait, on est rentré dans un système que l’on appel bubble on/ bubble of, c’est à dire que soit les gens ont de l’appetit pour le risque et à ce moment là il y a des bulles qui apparaissent dans tous les secteurs, que ce soit les matières première, l’immobilier etc… soit d’un coup les gens ne veulent plus prendre de risque et les bulles se déconstruisent en même temps. Après, c’est vrai que sur le principe même de bulle il existe plusieurs opinions, et forcément selon si l’on appel facilement une tendance une bulle ou pas, ces dernières seront plus ou moins fréquentes.
Nirare: tu enseignes en Université, est ce que le principe de fractales se développe dans le monde de l’enseignement ou reste-t-il comme ailleurs, une notion totalement nouvelle voire encore inconnu ?
S.O: Non, presque aucun professeur ne mentionne les fractales. Moi personnellement, oui. J’ai, en effet, une totale liberté sur ce que j’apprend à mes élèves et je leur explique effectivement que les marchés ne sont pas efficients et donc, que les fractales peuvent rentrer en ligne de compte. Les fractales n’ont donc pas encore pris la place qu’elles mériteraient dans le monde de la finance comme dans celui de l’enseignement. Mais qui sait, un jour peut être elles seront à la base d’une régulation absolument nécessaire au marché financier.